La douleur habitant son crâne et les bruits de son environnement amène petit à petit Luminous au bord de la conscience. Alors que ses paupières luttent contre sa volonté pour rester fermées, il s'éveille doucement. Ses sens lui transmettent à nouveau les données : le toucher l'informe qu'il est assis sur une chaise très désagréable et qu'une corde lui enserre les poignets. L'ouïe lui fait entendre des bruits étouffés de rire et de gémissement. L'odorat est sans doute le plus violent envers lui, un flot d'odeur lui assaille les narines : sang, sueur, sexe et larme. Et le dernier, quant il réussit enfin à soulever ses lourdes paupières ne lui renvoie que la pénombre d'une pièce exiguë. Les murs de facture grossière sont constitués de briques et d'un mortier quelconque ; l'humidité qui règne ici a favorisé l'apparition de mousses et autre algues diverses. Se demandant ce qu'il fait ici il tente de recouper les derniers souvenirs qu'il possède pour comprendre ce qui a pu l'amener en ces lieux : Il a quitté l'appartement de sa conquête d'une nuit pour suivre la piste des larmes et du sang puis a croisé cette apparition terrifiante ; après cela il est entré dans ce musée en suivant la piste et a découvert cet énième cadavre poétique.
Ensuite ? Le black-out complet, plus aucun souvenir de ce qu'il a fait ou de ce qui s'est passé. Alors qu'il essaye de comprendre sa situation la lourde porte en métal s'ouvre, inondant la pièce d'une lumière crue et violente. Ses pupilles agressées par ce trop plein de lumière il ne peut distinguer qu'une forme découpée dans la lumière. Après un certain temps d'adaptation il parvient enfin à voir son ravisseur ou plutôt sa ravisseuse. Une femme aux courts cheveux noirs le dévisage, elle semble avoir vécu plusieurs vies qui s'affichent toutes sur son visage parcheminé. Elle s'approche de lui et l'embrasse, les langues se mêlent et les lèvres se découvrent ; puis sans quitter sa bouche elle le frappe d'un coup de couteau dans la jambe. Rejetant sa tête en arrière il se mord violemment les lèvres pour ne lâcher aucun cris de douleur. La femme prend la parole en première tandis qu'elle essuie la lame du couteau.
- En ces lieux on m'appelle Reine mais comme tu n'es pas encore dompté tu n'auras qu'à m'appeler Eve. Quel est ton nom ? Que fais-tu ici ? Et qui est-elle ?
- ...
- RÉPOND !
- Hum. Ravissant comme accueil. Et mon nom ne te regarde pas par ailleurs je n'ai aucune idée de pourquoi je suis dans a demeure qui, si elle est aussi dérangée que toi, promet un spectacle sans fin humaine.
- Tu n'as pas répondu à ma question : Qui est-elle
- Comment le saurais-je Eve, je ne la connais pas.
- Alors pourquoi la suis-tu ?
- Ces humains ! Pourquoi faut-il qu'ils posent sans cesse des questions stupides.
Sans dire un mot Eve s'approche de lui et enlève la chemise faisant sauter les boutons avec sa lame, une fois celle-ci à terre elle entame un parcours du torse du bout du couteau. Dessinant cercles, spirales et autre formes géométriques le torse de Luminous se transforme en une toile sur laquelle une artiste démente trace les lignes de sa folie. Le sang se met à perler des sillons laissés par le pinceau et se mêle à la sueur qu'exsudent des pores de sa peau. Tout en continuant son oeuvre elle approche sa tête du cou de sa victime et l'embrasse tendrement. Ne sachant plus à quoi s'en tenir ni ce qu'il l'attend Luminous laisse sa conscience s'évader progressivement comme il sait si bien le faire. Il quitte un corps plein de douleur pour s'échapper par la porte ouverte vers l'inconnu.
Son esprit se retrouve dans un couloir faiblement éclairé où, à intervalles réguliers, une porte s'ouvre sur une démonstration de la folie de la propriétaire des lieux. En avançant dans ce couloir des cris et des odeurs le prennent d'assaut : cris de douleur et odeur de sang ou encore gémissements et cette odeur âpre de sexe. Au fur et à mesure qu'il s'approche de la porte la plus proche de lui les gémissements se font de plus en plus forts. Cette dernière est ouverte et donne sur une pièce semblable à celle d'où il vient avec cette fois un ampoule éclairant les lieux de sa lumière nue. A l'intérieur un amas de chair en mouvement laisse entrevoir de temps à autre une bouche, un sein ou un sexe, Luminous n'arrive pas à compter le nombre de personne composant cette orgie. Captivé par cette incarnation de la luxure, captivé par les vas et viens des sexes et par les danses complexes qu'effectuent deux langues qui se rencontrent il reste dans l'encablure de la porte. Tel un voyeur observant sa victime il se cache observant la scène la scène d'un oeil et de l'autre guettant quiconque pourrait le surprendre. Une sensation vient alors le perturber : son corps lui envoie un stimuli fort dérangeant, celui procuré par le passage de lèvre puis d'une langue sur son sexe, l'image d'Eve penchée sur son corps apparaît en surimpression de l'orgie qu'il contemple l'arrachant à son voyeurisme malsain. Il continue alors son chemin tentant de mettre de côté les messages de son corps.
Dans ce couloir étrange approche une seconde porte où cette fois aucun gémissements ne s'en échappent. A la place des cris de douleurs plus ou moins rapprochés et plus ou moins perçants. Contrairement à la porte précédente celle-ci n'est qu'entrebâiller ne permettant que de regarder par l'interstice, donnant au tout une dimension de voyeurisme encore plus poussée probablement voulue qui n'est pas sans lui déplaire. Cédant à sa pulsion Luminous regarde dans la pièce et contemple alors le sort d'un homme qui est entre les mains d'une apprentie bouchère : celle-ci a tracé au pinceau les pointillés délimitant les zones du corps que l'on retrouve habituellement sur les planches didactiques ou chez le boucher. Mais elle ne s'est pas arrêtée en si bon chemin et a entrepris de découper sa victime en commençant par les parties les moins importantes : ainsi l'homme ne possède plus que des moignons au niveau de ses chevilles. Pour parfaire l'opération elle place des garrots empêchant l'homme de quitter ce monde de douleur. Il s'écarte de la pièce écoeuré par le spectacle et les cris rauques de l'homme trahissant l'usure de ses cordes vocales et donc la durée inhumaine de l'opération. Les cris sont pour la plus tard étouffés et s'arrêtent quand ses poumons sont vides, reprenant quelques instants plus tard après une respiration bruyante. Un doute envahit son esprit alors qu'il s'éloigne : et si son corps était sujet aux mêmes expérimentations en ce moment sans qu'il ne le sache.
C'est à ce moment là qu'ironiquement son corps lui transmet toutes les douleurs qui composent à présent son corps. Observant brièvement la scène pour savoir ce qui provoque un afflux d'informations si douloureuses. Eve continue son oeuvre : traçant des symboles dont elle seule connaît la signification, par ailleurs elle prend un plaisir visible à verser un liquide corrosif et brûlant sur les plaies encore ouvertes. Les tissus nerveux de se chargent en influx électriques parcourant l'espace et le temps aussi vite que possible pour prévenir l'être habitant ce corps de la tragédie qui se joue sur son corps. Mais il se force à s'éloigner un peu plus de ce réceptacle emplit de souffrance pour préserver le peu de raison qui habite encore son esprit délabré.
Traversant le couloir sans prendre le temps de satisfaire ses envies de voyeurisme en observant ce qu'il se passe dans les pièces, il débarque dans une immense salle recouverte de dalle noire et blanche. La salle est richement décorée malgré sa taille : de somptueux lustres illuminent le plafond où on peut admirer une gigantesque fresque dont le récit lui est inconnu. Il entend la voix de son hôtesse déformée par la distance et le temps : Demain, tu seras mon roi pour la partie, ne me déçoit pas. Puis il sent couler le long de sa gorge un breuvage chaud qui lentement déconnecte ses synapses pour le plonger dans un sommeil tourmenté. Ayant réintégrer un corps meurtri Luminous sombre dans un rêve bien triste tandis que ses dernières pensées portent sur le sort que lui réserve Eve le lendemain.

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posted the 01/21/2007 at 06:49 PM by
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