Les flocons tombent lentement sur le trottoir, Séléné n'aime pas l'hiver : le jour est d'une durée ridicule et le froid insupportable. Pour les humain le froid est une excuse qu'on se donnent pour se rapprocher les uns des autres. Sentir l'haleine fétide et le corps d'un inconnu se pressant contre elle lui est insupportable. Pour couronner le tout cette période est l'apologie de la mauvaise foi et de l'hypocrisie où durant quelques jours tout le monde s'aime et s'offre des cadeaux alors que trois jours plus tard chacun médira sur son voisin et le traitera de mille noms. Non, vraiment l'hiver n'est pas fait pour elle et elle lui rend bien. Alors qu'elle réfléchit à tout cela, ses pas la conduisent le long de la rue principale dans la direction qu'Il lui a suggéré.
La porte de la demeure devant laquelle elle vient d'arriver est en bois et semble relativement ancienne, elle la pousse d'une main et entre dans le vestibule. C'est une maison comme on en trouve tellement dans la région, le salon est plutôt grand et est pourvu d'une cheminé où quelques bûches mourante peinent à chauffer la pièce. La photo d'un couple est posé au dessus de cette dernière, ils sont mignons avec leur sourire crispé et leur posture guindée. En arrivant dans la cuisine la première chose qu'elle remarque est la beauté de celle-ci et l'opulence qui s'en dégage : les meubles sont en bois précieux, la robinetterie en chrome scintillant et des pots d'épice emplit de parfum d'orient sont disposés sur les étagères. Puis en s'approchant elle ne peut s'empêcher de remarquer qu'aucune trace de graisse ou d'aliment ne vient tacher ce tableau parfait, rien n'indique qu'elle fut jamais utilisée. Évidemment la cuisine n'est qu'une façade pour ce couple, ils ne doivent sûrement pas faire la cuisine ou bien ils sont maniaques au possible de la propreté. Le rez-de-chaussée comprend aussi une salle de bain, là aussi, comme pour la cuisine, tout scintille et resplendit le neuf. A croire que cette maison ne sert qu'à recevoir des invités et à afficher la richesse de ses propriétaires, y avait-il seulement quelqu'un qui vivait dans cette demeure.
Allez, avance il est temps d'en finir. Il a raison, le bonheur suintant de ces murs/façade est insupportable, la fausse joie qui imprègne cette maison lui donne envie de vomir. Séléné s'approche de l'escalier elle entend une musique discrète s'échappant de l'étage, alors qu'elle gravit les marches la chanson se précise : Un chant de Noël. Comme c'est touchant ! La mélodie provient de la pièce la plus éloignée de l'escalier, ses pas n'émettent qu'un bruit étouffé sur la moquette tapissant le couloir ; la porte de la chambre est entrebâillée. Préférant vérifier les autres chambres elle se dirige vers les deux autres portes du couloir, la première donne sur ce qui semble être une chambre de nouveau-né : berceau, jouets et même papier peint bleu sur le mur, ils ont un garçon ou plus probablement en attendent-ils un. La seconde chambre est vraisemblablement celle d'une femme : un boudoir comprenant un grand miroir et des produits de maquillage trône dans la pièce, des rideaux tamisés et de nombreuses paires de chaussure confirme sa première impression. Le lit est à une place, il n'est pas improbable que le couple aussi ne soit aussi qu'une façade et que la femme ne dorme pas avec son mari. Rassuré par l'absence d'autre personne Séléné s'approche lentement de la chambre d'où émane la musique. Dans cette pièce aussi le lit est à une place, à la différence que quelqu'un l'utilise, un homme aux cheveux grisonnant semble dormir dessus. Il est encore habillé pour le travail : un pantalon sombre strict, un chemise blanche serrée au possible et un gilet assorti au pantalon. On dirait que la période de fête ne fut pas synonyme de repos pour lui. Mais qu'importe sans même le connaître, elle ne le supporte pas.
Rimbaud, la voix profonde et impérieuse résonne dans un coin de son crane lui imposant une volonté autre. Elle sort une fine lame et, alors que les larmes commencent à couler, s'incline au dessus de l'homme. Ce dernier se réveille et voit, penchée sur lui, une femme au long cheveux argentés, il lui semble qu'elle pleure mais son esprit embrumé a du mal à tout distinguer. Lentement la brume se disperse et il discerne alors tous les détails : cette femme à la peau diaphane tient entre ses doigts fins une lame tout aussi fine dont le reflet sur le fil ne trompe pas. L'homme commence à prendre conscience de la situation mais étrangement ne peut détacher son regard de cette femme et encore moins bouger. Il a l'impression qu'une présence pesante l'empêche de se débattre ou de se lever. Des larmes de peur lui viennent aux yeux et, dans un flou absolu, ne voit plus qu'une tache argentée où se mêle le reflet de la lame et de la chevelure argenté de sa meurtrière et les larmes de cette dernière.
Lorsqu'il sent les mains se poser sur sa chemise et la déboutonner il ne peut retenir un frisson, frisson qui reste et s'accentue alors qu'elle passe les mains sur son torse nu et s'attelle à défaire son pantalon. Alors qu'elle descend lentement le pantalon le long de ses jambes, le corps de l'homme ne peut s'empêcher de réagir et le sang d'affluer en son membre. La raison a quitté l'homme mais ses bas instincts sont restés. Une situation qui ne le quitte pas même lorsque la lame se pose sur sa cuisse. Séléné effectue de lente figure avec le fil de la lame puis elle regarde une dernière fois sa victime et l'instrument commence alors sa sinistre besogne. L'homme quitte ce monde à cet instant précis et la dernière vision de la vie qu'il eut est celle d'une femme terriblement belle pleurant au dessus de son corps.
Lentement elle ouvre les paupières ; la lumière du jour l'agresse et l'aveugle, où est-elle ? Doucement elle commence à percevoir son environnement immédiat : elle se trouve allongée sur le banc d'une église et la lumière qui l'aveugle est celle d'un vitrail représentant la vierge. Elle remarque alors cet homme intriguant qui la dévisage, il est pas mal !

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posted the 01/07/2007 at 06:32 PM by
sp0ken