La Donation de Pépin
Le premier Pape a s'être tourné vers les Francs pour leur demander secours, fut Grégoire III, en 739. Mais Charles Martel, maire du palais, avait alors besoin de l'alliance Lombarde qui lui était utile dans sa lutte contre les Sarrasins qui avaient envahis la Provence.
Une dizaine d'années plus tard, c'était au tour du fils de Charles Martel, Pépin le Bref, d'avoir besoin du Pape pour s'installer légalement sur le trône, et c'est lui qui fit le premier pas en 750. II trouva un allié dans le Pape Zacharie (741-752), qui voyait en lui le soutien nécessaire pour faire échec aux menaces du roi Lombard Astolphe.
Il y eut donc un échange de bons procédés; Zacharie permit à Pepin de devenir Roi des Francs (on relègue au couvent le roi Mérovingien Childéric III) et, en lui faisant donner l'onction sainte l'année suivante, conférait a la royauté franque un caractère sacré qu'elle n'avait encore jamais eu.
Pepin, reconnaissant, faisait au pape Etienne II, successeur de Zacharie (qui venait de réitérer le sacre auquel il avait même associé les fils du Roi), au cours d'un long séjour en France, en 754 et 755, la promesse de lui donner les terres qu'il reprendrait aux Lombards.
C'est ce que l'on appelle communément la donation de Quierzy (754): il y est question notamment de la Corse, parmi d'autres territoires continentaux. Aucun document ne nous est parvenu sur cette donation, si lourde de conséquences, à l'exception d'une mention du Liber pontificalis qui ne s'applique pas à la donation de 754 mais au renouvellement qu'en fit, vingt ans plus tard, Charlemagne.
La raison de ce long retard tient au fait que les promesses de Pépin, qui était sans doute sincère, allaient à l'encontre des intérêts de sa propre noblesse allié traditionnel des Lombards. Ce qui explique que, malgré deux expéditions (755 et 756), la restitution promise traîna en longueur et qu'elle ne devint effective qu'avec le fils de Pépin, Charles (le futur Charlemagne).
Devenu Roi des Lombards (774), il confirmait, la même année, au pape Hadrien 1er, la donation de son père. Même si les territoires finalement concédés au Pape étaient loin de représenter la totalité des promesses de Pépin (Charles gardait notamment l'exarchat de Ravenne), c'était là un acte d'une importance majeure. Pour la Corse, en tout cas, c'etait faire du Pape, selon le mot de Dom Gai, le vrai roi et le père de ce petit peuple insulaire.
Si, désormais, les prétentions de Rome sont fondées sur un texte, les historiens sont loin d'être d'accord sur la nature et l'authenticité de la première donation, celle de Pépin. Rappelons que son texte s'est perdu.
Ce qui est plus grave, c'est qu'elle était elle-même fondée... sur un faux, la célèbre Donation de Constantin, qui fut fabriquée par la chancellerie pontificale (tout exprès pour forcer la main à Pépin, ou après le règne de Charlemagne) et selon laquelle l'Empereur Constantin (274-337) aurait cédé au Pape Sylvestre 1er (Pape de 314 à 335) non seulement Rome mais encore toutes les provinces de l'Occident.
L'essentiel, pour la Corse, c'est que, fondée ou non, à l'origine, sur un faux, la donation de 774 (qui, rappelons-le, n'a pas été retrouvée, elle non plus, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'elle n'a pas existé) marquait son entrée définitive dans l'obédience au Saint-Siège.
Il s'en fallut cependant qu'elle devint aussitôt effective. On voit, en effet, le Pape Hadrien 1er d'abord, qui l'avait reçue, par son successeur Léon III (795-816), rappeler en vain à Charlemagne, devenu entre-temps Empereur (800), les promesses de 774.
Faut-il enfin, pour en terminer avec cette question, épiloguer sur l'occasion manquée qu'aurait constitué pour la Corse le fait que Pépin aurait pu la garder pour lui comme prise de guerre, après ses victoires sur le roi Lombard Astolphe en 754 et 756 ?
Source : http://www.storiacorsa.com/

tags :
posted the 11/12/2006 at 03:31 PM by
linkacci