La ruée des barbares
Après le long entracte romain, qui s'achève avec la conversion de l'île au christianisme, la Corse est atteinte par le déferlement des tribus germaniques. Parce qu'elle est une île, elle échappe à l'irruption des Huns. Mais elle est tour à tour la proie des Vandales et des Lombards.
Venus des plaines continentales où la vie est âpre, les Germains ont grand désir de soleil et de bien-être. Ils pensent trouver sur les ruines de l'empire romain les vestiges d'une vie facile, et du coté de la Méditerranée le climat dont ils rêvent. La Corse leur semble une proie désignée, sinon résignée.
De leur base espagnole, la Vandalousie, future Andalousie, les Vandales foncent sur les Baléares. De Carthage, qu'ils ont enlevée, ils s'attaquent à la Sicile et à la Sardaigne, puis à la Corse. Ils sont quelques milliers à s'adjuger l'île par le massacre et la terreur. Ils brûlent le maquis, saccagent les cités.
Défense de conserver des terres, si ce n'est au service des vainqueurs. Défense de tester, de léguer, de recevoir une donation ou une succession. Le sol retourne à la friche, les routes sont laissées à l'abandon, la famine s'installe. Pendant près de cent années le Vandale est roi, à peine troublé par quelques incursions d'Ostrogoths. Fuyant le littoral, les Corses n'ont plus d'autre choix que d'être les hommes de la montagne.
C 'est en de telles circonstances qu' il devient loisible de peser les sens différents du mot colonisation. Il est des colonisations bénéfiques, comme celle de Rome. Il en est de cruelles, comme celle des Vandales. Un même mot recouvre des réalités dissemblables: les meilleures ou les pires. La colonisation ne vaut que ce que vaut le colonisateur.
Les Vandales laissent à la Corse un lourd héritage: ils ont importé dans leurs bagages le redoutable parasite à une seule cellule que transmet le moustique anophèle, et qui infecte les globules rouges. Désormais la plaine orientale, dont Rome avait apprécié la fertilité, est livrée à la fièvre des marais. Pour quinze siècles, le paludisme condamne la Corse à la désolation.
Aux Vandales succèdent les Ostrogoths sous-développés puis les Byzantins surdéveloppés, dont les fonctionnaires vivent de rapines, de fraudes et de corruption, enfin les Lombards, descendus des Alpes, et qui ont juste, en moins de trente années, le temps d'enseigner aux insulaires les règles précises de la Dette du sang.
Bien avant les Lombards, les Corses étaient prédisposés aux haines familiales. De toutes les coutûmes Corses, disait déjà Sénèque, la première consiste à se venger . Tous les peuples primitifs sont passés par là. Mais, à l'instinct qui porte chacun à se faire justice soi-même, les Lombards apportent un cadre, un code et une justification réglementaire.
Chez eux, les parties ne sont pas obligées de s'adresser au juge pour vider leurs différents: c'est affaire de règlements de comptes privés. La faida des Lombards sera la Vendetta des Corses.
Source : http://www.storiacorsa.com/

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