Rome et Pax Romana
Si la Corse est bonne à prendre pour les peuples de la mer, comment ne le serait-elle pas pour ses voisins de la terre ferme, ces Romains qui entendent faire de la Méditerranée le bassin clos de leurs ambitions ?
L'île doit leur tenir lieu de rempart et d'avant-poste. Le simple souci de la sécurité et de l'expansion fraye ici les voiles de l'impérialisme: la Corse sera romaine.
Puisque les Carthaginois ont eu l'impudence de devancer les Romains à Alalia, c'est à cette place que Rome livre son premier assaut. La ville est prise et détruite, c'est une véritable démonstration de force.
Cependant, la vraie conquête est entreprise vingt ans plus tard. Les Puniques sont chassés. Les Corses de la montagne résistent: il faudra cent ans pour venir à bout de ceux qui, dans leur maquis, refusent la paix de Rome (Pax Romana).Dix campagnes seront nécessaires, qui n'asserviront jamais tout à fait ce peuple indomptable.
Pourtant, au moins sur le pourtour littoral, sur les flancs des collines, sur les grandes artères, la colonisation est féconde. Rome sait régner sans opprimer, mettre en valeur sans exploiter. Libérale, elle respecte les cadres et les usages locaux, maintient la division en tribus, tolère tous les dieux.
Auguste érige la Corse en province impériale, avec un procurateur qui réside à Alalia, devenue Aléria. L'île est colonie de peuplement: Marius y donne des terres à ses vétérans, près d'une ville qui prend son nom Mariana.
Sylla a établi ses légionnaires à Aléria. Puis viennent des Bataves, des Gaulois, des Germains, qui font choix de l'île pour leur retraite. Les insulaires les plus farouches ne peuvent rester insensibles à six ou huit siècles d'occupation. Leurs coutûmes composent avec les principes des juristes latins.
Leur langue même s'efface: Sénèque, qui entend jargonner autour de lui, croit déceler un mélange confus de latin, de Cantabre, de ligure et de grec. Autant dire qu'il n'y comprend rien, tout en décelant la part grandissante du vocabulaire romain.
Les Corses se mettent à parler l'argot bas latin du soldat occupant. Leurs toponymes, qui gardent parfois la marque de radicaux pre-indoeuropeens (Cargèse, les Calanches, Polasca...) font la plus large place aux racines latines (Castagniccia, Figari. Oliveto, Vivario, Corbara...).
De la paix romaine, il subsistera d'autres traces que de simples noms: des routes naturellement, mais moins en Corse qu'ailleurs, parce que le terrain ne s'y prête guère, des eaux thermales et minérales (Orezza, Speloncato...) des ports, et des villes. Aléria a son forum, son prétoire, ses villas , ses boutiques, son temple ses thermes et ses égouts. Un Timide reflet de Rome.
A Rome, la Corse vend ses granits, ses minerais, son huile d'olive, son miel, son liège dont les Romains usent pour boucher les amphores, pour ressemeler les sandales, pour parer les filets de pêche pour enrober les ancres des navires et même pour composer certaines médecines.
Les historiens qui plus tard se feront une règle de souligner les méfaits du colonialisme dénonceront les pillages auxquels se livrent les publicains et les rançons fiscales que doivent supporter les indigènes. Ils omettront de dire que Rome achète à la Corse plus qu'elle ne lui vend, qu'elle indemnise les propriétaires évincés et que la balance des paiement de la Corse est excédentaire.
L'île se peuple et s'enrichit.
Quelques Corses s'aperçoivent au surplus qu'ils peuvent conquérir le conquérant, Ils servent, hors de l'île, dans les corps auxiliaires, dans les cohortes, dans les administrations romaines. Ils peuvent y acquérir la citoyenneté. Il leur arrive de devenir général ou magistrat. Les Corses n'oublieront pas qu'en émigrant ils seront capables de prendre les places utiles.
Source : http://www.storiacorsa.com/

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posted the 11/12/2006 at 03:22 PM by
linkacci