La civilisation Torréene
L'Araguinna Sennola est un abri situé à l'entrée de Bonifacio et malgré son exiguïté, il est extraordinairement significatif. Subissant des fouilles quotidiennement depuis 1966, cet abris remet en question une datation jusqu'ici communément admise.
En effet, la récente découverte dans la couche XVIIIème d'un squelette de jeune femme et du matériel associé (fragments de Quartz et de roches dures qui devaient servir d'outils) nous fait remonter à plus de 6500 ans avant JC. Cela serait donc la preuve d'une civilisation Corse antérieure au néolithique , civilisation pauvre mais originale.
Hors jusqu'ici, dans le domaine préhistorique Corse, si l'on connaissait assez les produits de l'activité humaine on ne savait pratiquement rien de l'homme lui-même. D'où l'importance de la découverte.
Cette dernière phase du mégalithique, s'étend de 1400 à 1200 avant JC. Le premier signe distinctif de la nouvelle civilisation est l'apparition, aux environs de 1400 / 1300 avant JC, de Statut-menhirs portant des épées ou poignards en bas relief, parfois des cuirasses, ceintures ou baudriers. Ces Statut-menhirs apparaissent non seulement à Filitosa, mais aussi à Cauria et ailleurs, et représentent le 5ème stade, de leur évolution et l'entrée de la Corse dans la Protohistoire.
Seconde caractéristique : Il s'agit de ours toujours circulaires faites de gros blocs de pierre (dont certain pèsent plusieurs tonnes) d'une hauteur qui peut atteindre 7 mètres et couvertes soit d'une voûte, soit d'une charpente.
L'intérieur est composé tantôt d'une unique cellule, tantôt de niches secondaires latérales : Le diamètre total varie de 10 à 15 mètres .
Fait remarquable, ces tours sont toutes rassemblées au sud d'une ligne Ajaccio / Solenzara (Ligne qui semble marquer la limite septentrional du mégalithique). On en trouve à Foce, à Balestra (Mocacroce), à Filitosa, à Cucuruzzu (Levie), à Torre, à Porto-Vecchio, à Tappa et à Ceccia.
Leur fonction paraît évidente. Ce sont des monuments culturels où l'on célébrait quelques divinités par des offrandes et des libations et où l'on enterrait et brûlait les morts.Enfin, la date de construction de ces tours oscille entre 1500 et 1200 av JC.
La 3ème caractéristique est la plus importante. C'est celle de l'origine de ces constructions. Ecartant l'hypothèse d'une évolution autochtone, on avance celle d'une invasion étrangère.
Les Torréens seraient un des peuples de la mer, les Shardanes qui attaquèrent l'Egypte au début du 2ème millénaire av JC. Sur l'origine des Shardanes, on est réduit aux conjectures. Certains en font l'un des peuples d'une confédération qui comprenait aussi les Lybiens.
On imagine cependant que les Shardanes sont venus se superposer à un peuplement primitif. D'où qu'ils vinssent, les Shardanes étaient essentiellement des guerriers. Ce qui explique l'apparition des armes sur les statut-menhirs qui les représente. C'étaient aussi des constructeurs qui sont probablement les inventeurs des Tours.
La civilisation Torréenne, se caractérise par des ensembles fortifiés, tantôt à proximité, tantôt à l'écart des ours qui témoignent d'un long conflit qui occupe la seconde moitié du deuxième millénaire, et qui opposa les autochtones aux envahisseurs. Il y aurait là, une lutte entre 2 types de civilisation : Celle agro-pastorale des Protocorses, celle, pastorale aussi, mais guerrière des Torréens.
Conflit aussi, des modes de vie différents : inhumation chez les premiers, incinération chez les seconds. Conflit enfin d'ordre religieux : interdiction de représenter la figure humaine chez les Torréens, tandis que les autochtones au contraire la sculpte sur leurs menhirs. D'où des luttes constantes et l'habitude prise par les indigènes de sculpter les armes sur les statut-menhirs qui représenteraient ainsi l'ennemi vaincu.
Luttes ou les envahisseurs eurent le dessus et qui se terminèrent par la destruction systématique de la civilisation mégalithique des vaincus et probablement par une migration de ceux-ci vers le nord de l'île. ce qui expliquerait la présence de statut-menhirs à Santo-pietro-di-tenda et à Barbaggio-Patrimonio.
Source : http://www.storiacorsa.com/