Irritée par les lancements de missiles nord-coréens qu'elle n'a pas su empêcher, la Chine maintient son approche traditionnelle de soutien à la négociation diplomatique avec son embarrassant allié de Pyongyang.
Dans une conversation téléphonique avec le président américain George Bush, jeudi 6 juillet,
le président chinois, Hu Jintao, a admis être sérieusement préoccupé, tout en ajoutant qu'au vu de cette situation compliquée il était
écessaire de garder son calme et de faire preuve de retenue.
Auparavant, la porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Jiang Yu, avait clairement indiqué l'opposition de Pékin à l'imposition de sanctions contre le régime de Kim Jong-il, estimant que le dialogue et les consultations sont des moyens efficaces de résoudre les problèmes. Elle avait ajouté : Nous pensons que la réponse (aux tirs de missiles) du Conseil de sécurité des Nations unies devrait servir à maintenir la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne et contribuer aux efforts diplomatiques.
Mercredi, la Corée du Nord a conduit une série de tirs de missiles en mer du Japon, dont un de Taepodong-2 à longue portée.
L'agence de presse nord-coréenne KCNA a assuré, jeudi, que
les exercices de lancement continueront pour améliorer les capacités d'autodéfense nord-coréennes... Après avoir annoncé, la semaine dernière, l'envoi à Pyongyang du vice-premier ministre chinois, Hui Liangyu, Pékin vient de faire savoir que la Chine dépêchera, lundi, en Corée du Nord, son vice-ministre des affaires étrangères, Wu Dawei. Sous le prétexte d'aller assister aux cérémonies organisées pour le 45e anniversaire du traité d'amitié entre les deux pays, le voyage de ce dernier sera l'occasion pour Pékin d'exercer de nouvelles pressions sur les dirigeants nord-coréens. M. Wu est le négociateur chinois au sein des conversations à six sur la question coréenne qui réunissent la Chine, les deux Corées, les Etats-Unis, le Japon et la Russie.
Le négociateur américain, Christopher Hill, est par ailleurs arrivé à Pékin vendredi. Avant son départ des Etats-Unis, il avait espéré que la Chine se montre très, très ferme avec son allié de toujours, la Corée du Nord, à propos de ce qui est une attitude acceptable et une attitude qui ne l'est pas...
La Chine, qui pensait justement être capable de convaincre ledit allié de ne pas se livrer à cette provocation balistique, se retrouve dans une position embarrassante. L'affaire démontre que, en dépit des liens que la Chine entretient avec la Corée du Nord, que cette dernière n'hésite pas, le cas échéant, à défier l'ami chinois en ignorant les pressions que Pékin a pu exercer sur elle. Et ce malgré sa proximité diplomatique avec la Chine et sa dépendance économique à son égard : Pyongyang dépend à 90 % de Pékin dans son approvisionnement en pétrole, et 40 % de la nourriture consommée par les Nord-Coréens viennent de Chine.
Depuis que l'administration Bush a décidé de négocier directement avec le régime nord-coréen, la Chine se retrouve en première ligne. Elle est devenue le principal intermédiaire entre Washington et Pyongyang.
Durant les sessions de pourparlers à six, qui ont eu lieu à Pékin, la Chine a privilégié une attitude de neutralité, se présentant comme un facilitateur et prenant bien garde de n'offenser aucune des parties concernées. Pékin a beau être irrité par les gesticulations nord-coréennes, la République populaire de Chine conserve une priorité : empêcher toute déstabilisation du régime de Pyongyang.
La perspective d'un changement de régime de l'autre côté de la rivière Yalu, marquant la frontière entre les deux pays, serait en effet un scénario possiblement cauchemardesque pour les Chinois, qui craignent dans ce cas l'arrivée d'un flux massif de réfugiés nord-coréens sur leur territoire.
Une autre perspective redoutable pour Pékin serait la réunification des deux Corées, ce qui pourrait avoir pour conséquence la présence sur sa frontière soit d'un nouvel allié américain, soit de troupes américaines. Quelque 40 000 soldats américains sont stationnés en Corée du Sud.