Le fait de vivre dans un pays étranger pendant une période prolongée, et a fortiori dans un pays comme le Japon où la rupture socioculturelle est plus que brutale (certains diront même violente), amène nécessairement son lot de remises en question et de questionnements sur le bien fondé de ce qu’il est vraiment possible de considérer comme acquis. Ici, règne le relatif. En particulier, l’image que nous renvoie les autochtones sur notre pays d’origine et nos concitoyens est particulièrement riche d’enseignements.
D’où une première question : que pensent les Japonais de la France ? La réponse fait l’unanimité, sans le moindre doute, la France est particulièrement populaire au Japon, du moins dans les grandes villes, ce qui est loin d’être négligeable, la mégapole représentée par la communauté urbaine Tokyo-Kawazaki-Yokohama représentant à elle seule quelque 30 millions de personnes. La France est avant tout synonyme de culture, qu’elle soit picturale, littéraire, musicale ou architecturale, et représente une des destinations de villégiature favorites des Nippons. Tout bon Japonais ayant visité la France s’extasie ainsi inévitablement devant le musée du Louvre et ses merveilles, qui ne sont pas toutes françaises, loin s’en faut, mais aussi sur le Jardin des Tuileries, le Château de Versailles, ou les châteaux de la Loire, bien français, eux ! Cet engouement pour l’architecture française est tel que certains japonais fortunés sont allés, il y a quelques années (avant que notre gouvernement ne s’attachent à veiller de plus près sur notre patrimoine national) jusqu’à démonter pierre par pierre quelques-uns de
os châteaux pour les remonter dans leur archipel. On trouve d’ailleurs en plein centre de Tokyo, dans le prolongement d’une esplanade ultramoderne, entre deux tours de verre de 40 étages, un petit château Renaissance, dont je n’ai jamais réussi à connaître le degré d’authenticité, et qui abrite un restaurant bien français, Fauchon.
Transition toute trouvée, du point de vue culinaire, et bien loin du sempiternel cliché baguette-fromage qui sent fort-vin rouge , la France est indéniablement synonyme de bon goût. Par exemple, le pain à la française (il lui manquera néanmoins toujours un petit quelque chose pour être vraiment français, peut être la France justement…) est très apprécié à Tokyo où les boulangeries Pompadour font fureur, et les restaurants français fleurissent dans la plupart des grandes villes nippones et servent une cuisine française dont la qualité est plus qu’honorable. Enfin, je passe sous silence la réputation excellentissime du vin français.
La haute couture française, comme internationale d’ailleurs, est très populaire à Tokyo. Les télévisions de la capitale nippone consacrent des heures à la retransmission des défilés des grands couturiers avec un intérêt plus prononcé pour les lignes de vêtements de grandes maisons françaises comme Dior, mais aussi moins conventionnelle comme Jean Paul Gauthier. Une conséquence amusante de cet engouement pour la mode française, une multitude de boutiques et de marques portant des noms français. On retiendra entre autres des noms de boutiques tels que Toi et Moi, La Petite Parisienne ou Les Frippes. Certains noms de marques prêtent néanmoins tout particulièrement à sourire, tels Comme ça du mode, qui ne veut absolument rien dire (à moins que ma langue maternelle ne commence à m’échapper), ou encore A nous les caleçons, ligne de vêtements destinés aux jeunes filles en fleur, et vraisemblablement nommée de la sorte par allusion au monument de l’histoire du cinéma français que représente le film A nous les garçons, quand on sait qu’en japonais, les
se prononcent l, un garçon devenant ainsi un galeçon… La France, où sont tournés la plupart des films publicitaires ventant les mérites des automobiles nipponnes, a donc la cote au Pays du Soleil Levant !
D’où cette seconde question : que diable les Japonais peuvent bien penser des Français ? Cette question est bien plus restrictive que la précédente dans la mesure où bien peu de Japonais ont fréquenté suffisamment de Français, ou séjourné suffisamment longtemps en France, pour avoir un avis arrêté sur la question. Néanmoins, et malheureusement, la réponse est presque unanime, le Français n’est pas la tasse de thé du Japonais. De manière générale, l’image que renvoient nos concitoyens est peu flatteuse.
Globalement, le Français est considéré comme un prétentieux en puissance. Un chercheur japonais qui a séjourné longtemps aux Etats-Unis, et suffisamment voyagé et rencontré de Français de par le monde pour avoir un avis qui puisse être considéré comme objectif va même jusqu’à dire que LE Français se prend pour un champion du monde toute catégorie (et ce commentaire n’a strictement rien à voir avec les récents exploits de nos footballeurs, amis du sport, à bon entendeur salut…). Dans le même esprit, et j’ai pu m’en apercevoir à maintes reprises, le chercheur français a beaucoup plus facilement la grosse tête que ses homologues japonais, américains voire européen. A niveau de réussite égal, combien de chercheurs français, convaincus de leurs qualités, de leurs compétences, se gargarisent de leur parcours, de leur carrière, de leurs publications quand leurs collègues Nord Américains dans leur grande majorité restent d’une simplicité, d’une accessibilité et d’une ouverture d’esprit qui n’ont cessé de me surprendre, plus qu’agréablement…
Par la force des choses (on ne vient pas travailler à Tokyo quand on est charpentier, tourneur-fraiseur, ou maçon…), la majorité d’entre eux sont des cadres de haut, voire de très haut niveau (l’un d’entre eux s’acquitte mensuellement d’un loyer frisant les 30000 francs !), et dans une grande majorité des cas, les Français ont un comportement de suffisance intolérable quant à leur réussite professionnelle, leur argent. Curieusement, ce comportement est, sinon complètement, du moins beaucoup plus anecdotique, sinon absent chez les Anglo-Saxons.
Dans les aéroports, le Français ne brille ni par sa discrétion, son éducation, ou sa modestie. Morceau choisi :
Juin 2000, aéroport de Londres, Mai 2000, un homme d’une trentaine d’année, en costume-cravate, arrive en salle d’attente à peine une dizaine de minutes avant son vol pour Bruxelles, visiblement éreinté par sa journée, il soupire, défait le nœud de sa cravate, s’étire, allume son ordinateur portable, le connecte à son téléphone portable, étale ostensiblement quelques documents autour de lui, consulte vraisemblablement sa messagerie électronique, soupire, regarde autour de lui, se lève, tourne autour de son siège, se gratte la tête, soupire, se rassied, éteint ses portables, se relève, se met à téléphoner, en déambulant dans la salle d’attente, parle fort, discutant football (!!!) jusqu’à ce que les hôtesses le pressent d’embarquer, et comme de bien entendu, il se rengorge, se met à les invectiver, disant, bien plus fort que nécessaire, que ses affaires ne peuvent attendre. Nationalité ? Française !
Un exemple affligeant qui, bien que n’autorisant aucune généralisation, est malheureusement loin d’être de cas isolé, et se passe finalement de tout commentaire. ^^
Et moi aussi j'adore les niponnes !!