Sans qu'il ne soit encore sorti, on se demandait déjà si Fallout 4 aurait le potentiel de voler à The Witcher 3 le titre de RPG de l'année. C'était sans compter sur un challenger un peu inattendu qui a tous les arguments pour bousculer les ténors afin de s'imposer dans le secteur.
Retour en mai 2012 avec l'annonce de Divinity Original Sin, nouvelle voie adoptée pour sa franchise afin qu'elle ne soit plus comparée, et pas souvent de manière bien flatteuse, aux différents Elder Scrolls. Une annonce sans grand bruit, probablement dû au fait que la série n'a pas vraiment réussi à marquer son temps et tout restait donc à prouver jusqu'au lancement au printemps 2014 avec un produit satisfaisant mais néanmoins touché par quelques défauts. Le potentiel était là, et le studio l'a bien compris en se retroussant les manches afin de prendre l'essentiel des retours de la communauté pour pondre une version ultime débarquant aujourd'hui aussi bien sur PC que sur consoles. Et là cette fois, on tient vraiment du lourd. Du très lourd même.
La magie, c'est comme la drogue, il ne faut pas en abuser. C'est pourtant ce qui arriva sur les terres de Rivellon à cause de l'apparition de « Sources » qui vont vite être exploité par quelques vilains groupuscules, tandis que se mettront en place des équipes de « Traque-Source » pour pouvoir les contrer efficacement. Et justement, vous incarnez un duo convié à la petite bourgade de Cyseal, déjà pour enquêter sur l'apparition d'une source, mais également pour en savoir davantage sur l'étrange meurtre d'une haute personnalité locale. Une introduction, si l'on peut appeler cela ainsi, qui vous prendra pas moins d'une trentaine d'heures de jeu en prenant son temps sur les divers aspects… en sachant que cela ne représente qu'un quart de l'aventure ! Et rien que l'enquête qui est loin d'être le moment le plus intense de l'histoire est un plaisir à arpenter grâce à d'excellents dialogues misant souvent sur l'humour, en notant que cette nouvelle version se permet de rajouter de nouveaux PNJ et un doublage intégral en anglais (textes français tout de même, pour une belle traduction).
Outre le fait de ne pas être pris par la main, Divinity Original Sin laisse également une très belle liberté d'action. Rien que pour l'enquête elle-même, il existera de multiples manières d'arriver à vos fins et si certains points sont obligatoires pour progresser, certains de nos choix auront une grosse incidence, du genre tuer un PNJ au détour d'une bagarre pour se rendre compte par la suite que ce dernier avait un rapport direct avec une quête. Un personnage récalcitrant à lâcher des infos ? Tentez de le convaincre avec votre charisme (via un mini-jeu de pierre/feuille/ciseau il est vrai peu inintéressant et sujet à la triche), ou mieux, attendez qu'il ait le dos tourné pour lui voler son journal ou la clé de sa maison. Pas envie de vous embêter ? Alors allez directement chez lui en crochetant en douce la serrure, ou défoncez même la porte à coup d'épée, quitte à attirer le regard de la milice locale. Et cette tête parlante (!) qui demande à aller voir ailleurs ? La voler à l'insu de son propriétaire ? Tuer ce dernier en douce ? Ou alors opter pour une approche indirecte en ruinant son commerce ? En plus d'être prenante (et mieux amenée que dans la version originale), l'enquête peut être laissée de coté n'importe quand pour se consacrer à une foule de quêtes secondaires, beaucoup demandant de faire parler du poing. Mais avant tout cela, et avant même de poser ses pieds sur la plage de Cyseal, il faut d'abord passer par une case inhérente au genre : la création de votre personnage. De vos deux persos même.
Si le coté esthétique est ultra limité (tous vos persos seront des armoires à glace, mais vous pourrez choisir de porter un slip ou un boxer), le jeu offre tout ce qu'il faut dans les attributs. On peut d'ailleurs choisir une classe prédéfinie ou tenter, pour les plus habitués, de modifier un peu pour concevoir un duo à sa sauce en répartissant bien les atouts entre les deux, en sachant que vous pourrez par la suite recruter deux autres alliés parmi un vaste choix (et les changer à la volée en fonction des situations). Dans les grandes lignes, vous aurez donc une profession à sélectionner (guerrier, mage, soin, classe mixe…) avant d'aller jeter un œil à vos points de caractéristiques puis vos capacités répartis en plusieurs branches. On y trouvera la maîtrise de tel ou tel type d'armes, les spécialisations qui seront celles permettant d'augmenter le nombre de compétences à l'esprit (homme d'armes, pyromancie, etc.) et enfin les secteurs annexes comme le charisme, le crochetage ou encore la discrétion. Enfin, et pas le moins intéressant du lot, les « Talents » vous octroieront des bonus passifs comme pouvoir parler aux animaux (idéal pour débloquer de nouvelles quêtes annexes), vous conférer des bonus de force selon la situation ou encore d'autres originalités comme être un gros puant, avec les bons cotés (les ennemis ont tendance à moins s'approcher) que les mauvais (malus de charisme auprès de la populace).
Bien entendu, RPG oblige, l'expérience est au rendez-vous et se gagne de diverses façons : accomplissement de quêtes, combats, visites des lieux… Chaque niveau vous débloque un ou plusieurs points dans une ou plusieurs catégories. En bref, il arrivera parfois qu'à x niveau, vous chopperez deux points de compétences et un point de talent, tandis que le suivant ne vous refilera qu'un point pour les statistiques. Reste que chaque nouveau cap est un accomplissement en soi, avec ce plaisir de plonger à nouveau dans la fiche de ses personnages pour trouver la voie parfaite à suivre, tout en débloquant du coup l'accès à de nouvelles armes et pièces d'équipement. Ces dernières peuvent d'ailleurs être placées sur vos persos indépendamment de leurs niveaux mais si vous êtes en dessous de la limite indiquée, vous y perdrez au niveau des combats (déplacements et nombres de coups réduits à chaque tour). Rajoutons enfin qu'en matière d'augmentation en puissance, Divinity Original Sin offre absolument tout ce qu'on peut attendre du genre : vendeur potentiel à chaque coin de rue (on peut vendre ou acheter à l'intégralité des PNJ en fonction de son pécule), coffres à gogo, achat de compétences, cuisine et bien évidemment du craft avec enfin un système d'enregistrement des recettes contrairement à la version d'origine.
Autant dire que vous allez passer un temps fou dans les menus qui se remplissent bien vite (on s'y perd un peu malgré les possibilités de tri), mais peut-être pas autant que dans les combats qui incarnent l'un des gros points forts du jeu. A l'instar de Wasteland 2 testé par nos soins il y a peu, le système de combat tourne donc au tour par tour avec un ordre d'action non pas répartis en « gentils puis méchants » puisque mixant l'ensemble en fonction de la vitesse de chacun. Lorsque votre tour arrive, vous disposez d'un certain nombre de points d'action avant tout déterminé par votre équipement et il faudra donc utiliser cela pour vos déplacements (chaque mètre use un point), mais également tout ce qui va avec : attaques, compétences spéciales, utilisation d'un objet… Le système va très vite se montrer hautement stratégique car chaque mauvais choix peut se payer au prix fort avec un personnage pouvant crever en un claquement de doigt si mal placé, vous obligeant à gâcher un tour pour cracher un parchemin de résurrection (pas cher heureusement, à condition de trouver rapidement un vendeur).
Chaque catégorie de classe se doit d'être employée de manière différente, et surtout en fonction de son équipement. Un archer peut par exemple attaquer souvent, mais peut être facilement sujet à l'échec en fonction de son placement. Un bon guerrier armé d'une arme à deux mains top classe peut en revanche déboiter un crane sans trop de problème, surtout si ses diverses maîtrises lui conférent davantage de chance de placer un critique, mais les coups valent beaucoup de PA et à moins de sauter des tours pour les économiser, il faudra vous contenter d'un coup par tour… si du moins vous n'avez pas user votre stock pour arriver jusqu'à lui. Résultat, chaque bataille peut s'arpenter méthodiquement et certains gros affrontements peuvent très vite vous conduire à l'échec (vive la QuickSave avant la bataille). Croyez-le bien, il nous est même arrivée de rester trois heures devant un boss à échouer de nombreuses fois pour recommencer de suite car nous savions que c'était possible. A condition de trouver la bonne tactique. Et elle fut d'ailleurs trouvée.
Oui, le « nous » n'est pas innocent car grosse nouveauté de cette nouvelle édition : le coop local. A l'heure où de plus en plus d'éditeurs font le choix du tout online, parfois pour des raisons purement techniques (Halo 5), parfois parce qu'ils n'en ont rien à foutre, les développeurs de Larian Studios ont souhaité revenir à une époque où il était encore possible de s'éclater à deux sur un canapé (le online reste dispo au cas où). La totalité de l'aventure est donc jouable à deux en notant pour petite bémol que la sauvegarde ne concerne que le joueur 1. Celui qui arrive se doit obligatoirement de reprendre un des persos de l'hôte, à savoir soit le second créé en début de partie, et même un des mercenaires si vous le souhaitez. Pas un défaut pour ceux qui veulent se taper tout le jeu à deux (on rassure les chasseurs : le second joueur choppe tous les succès/trophées), mais déjà plus embêtant en ligne car il y a peu d'intérêt du coup à rejoindre la partie d'un inconnu.
Restons dans le coop. Pourquoi c'est si bon ? Tout simplement parce que Larian est parvenu à offrir tout ce qu'on attendait pour un genre qui habituellement se pratique davantage en solo. Étrangement comme si le titre était conçu autour de cela, en plus d'avoir été parfaitement adapté à la manette (contrairement au précédemment cité Wasteland 2). Les conversations par exemple. Si votre ami est en train de blablater, vous pouvez choisir de venir ou non écouter la conversation, et pourrez même parfois intervenir pour donner votre désaccord, ce qui modifiera à la fois votre personnalité (= bonus en fonction de vos traits de caractères) mais également donner l'impression que vous n'êtes pas qu'un bout de chair seulement utile en combat. D'ailleurs, en cas de mésentente, c'est le retour du pierre/feuille/ciseau avec votre ami, déjà plus intéressant vu que lui au moins, il ne trichera pas contrairement à l'IA. Mais et si la conversation ne vous intéresse pas ? Hé bien partez ! Rien n'empêche les deux groupes de joueurs (vous pouvez placer un mercenaire IA pour accompagner chacun) de se séparer totalement. Et vraiment totalement. Hormis quelques rares moments qui demanderont aux deux joueurs de se rejoindre, l'un pourra rester en ville à progresser dans ce qu'il souhaite tandis que l'autre pourra se balader dans les contrées alentours et même rentrer dans des grottes instanciées sans que ça ne pose problème. La totalité d'une zone est générée dès que vous posez un pied dessus, ce qui explique la longueur des temps de chargement (pour lancer la partie et en cas de reload).
L'autre aspect qui faisait peur, c'était le combat au tour par tour, généralement inadapté pour du jeu en coop. Et incroyable, ça fonctionne ! Encore une fois, grâce au fait que tout se base sur la stratégie, poussant les deux joueurs à discuter entre eux de la méthode à adopter pour surtout être en cohérence et pour cause : le friendly-fire est obligatoire, et surtout ultra punitif. Il y a une bonne raison à cela d'ailleurs. Si beaucoup d'attaques semblent heureusement éviter les alliés (du genre les flèches), ce n'est pas le cas de la magie, qui est pourtant au cœur de tout le système avec l'excellente idée de l'exploitation des éléments. On retrouve cela dans le cheminement, avec comme exemple banal une zone enflammée que vous pourrez éteindre en faisant tomber la pluie (magie), en balançant une bombe à eau ou tout simplement un tonneau plein que vous ferez exploser de loin. Mais tout cela est également présent en combat, et surtout obligatoire pour s'en sortir. Rien de mieux que de barrer la route à des zombies en lâchant une traînée de flamme ou mieux, créer un nuage de poison qui à la moindre flèche enflammée créera une gigantesque explosion. Et forcément, si les mages et archers peuvent assez bien négocier la chose, c'est moins le cas des spécialistes du corps-à-corps qui risquent de se transformer en dommages collatéraux, obligeant donc à se coordonner (« je me charge de dégommer la tronche de celui de gauche avec ma belle hache pendant que tu libères les enfers sur ceux de droite »), voir dans les cas avancés fournir au préalable à vos guerriers des protections diverses pour qu'il puisse bourrer des crânes à la Berserk en toute impunité. Tout cela en prenant en compte, encore une fois, qu'il faudra faire avec vos PA disponibles à chaque tour. Stratégique on vous a dit. Et quel pied quand le dernier larron du groupe encore debout sauve la mise avec une flèche bien placée.
Les plus
Les moins
+ Une version sublimée
+ Qualité des dialogues et doublages
+ Le mode coopération génial
+ Adaptation parfaite à la manette
+ Le contenu énorme
+ Le choix dans la difficulté
+ Le système de jeu...
+ … et surtout les combinaisons d'éléments
+ Les quêtes nombreuses et intéressantes
+ Du loot, du craft, de la cuisine...
- Inventaire un poil bordélique
- L'IA qui triche au pierre/feuille/ciseau
- Quelques bugs à corriger
Conclusion : Le RPG occidental signe décidément une excellente année. Après The Witcher 3 et Wasteland 2, et en attendant Fallout 4, c'est aujourd'hui Divinity Original Sin qui arrive sur consoles dans une version sublimée sur bien des aspects pour en faire un immanquable du genre. A privilégier qui plus est pour son excellentissime mode coopération en local qui vous fera commencer vos sessions à 20h pour les terminer vers 6h du matin, les yeux explosés certes, mais presque frustré de devoir lâcher la manette tout en étant impatient d'y revenir le soir suivant. Définitivement un nouvel exemple des bienfaits de Kickstarter, nous rendant on ne peut plus impatient de découvrir le 2 en préparation.
10/10
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