
ITW M. Ferland
Déjà disponible sur Xbox et PC, Splinter Cell est un titre dont la qualité n'est plus à démontrer. A deux semaines de la sortie de la très attendue version PS2, Jeux-France fait le point sur le phénomène Sam Fisher avec Mathieu Ferland, l'homme qui se cache derrière ce projet titanesque.
Quels sont vos rôles exacts au sein du développement de Splinter Cell ?
Je suis Mathieu Ferland, producteur exécutif de Tom Clancy’s Splinter Cell (Xbox et PC). Je suis également le co-producteur de Tom Clancy’s Rainbow Six 3 - Raven Shield. Avant ceci, j’ai travaillé sur Tom Clancy’s Rainbow Six – Rogue Spear – Black Thom, Donald Duck Goin Quacker (N64, DC, PC) et F1 Racing Championship (N64).
Comment présentez-vous Splinter Cell ?
Splinter Cell est un jeu d’action à la troisième personne. Vous incarnez Sam Fisher, un agent spécial de la très secrète organisation Third Echelon. D’abord envoyé en Georgie dans le but de retrouver deux agents de la CIA ayant disparu, vous allez vite être entraîné dans un complot des plus dangereux…
Aviez-vous l'intention, lorsque le développement de Splinter Cell a commencé, de créer un jeu rivalisant en terme de gameplay avec Metal Gear Solid 2 ?
Il n’y a pas beaucoup de jeu d’infiltration sur le marché, c’est pourquoi il est facile de regrouper MGS et Splinter Cell dans la même catégorie. Alors bien sûr, nous nous sommes inspirés de pas mal d’éléments provenant de MGS (sans oublier un tas d’autres jeux) et à première vue, les concepts de ces deux jeux peuvent sembler similaires. Toutefois, notre objectif principal n’était pas de faire un « mgs-like ». Nous voulions que Splinter Cell soit vraiment inspiré de l’univers Tom Clancy : un conflit géopolitique réaliste avec des hautes technologies militaires. « Réalisme » fût notre mot-clé. Nous voulions que le jeu ait sa propre identité et qu’il conduise à une toute nouvelle expérience ludique. Grâce à la gestion dynamique de la lumière, et la caméra libre, vous découvrirez vite que le jeu utilise des aspects non présents dans MGS. Le jeu possède toute la liberté qu’un jeu à la première personne propose, mais rajoute les effets spéciaux et les animations présents dans un jeu à la troisième personne.
Sam Fisher est un héros étonnamment charismatique. Comment en êtes-vous arrivé à ce résultat ?
Il est toujours délicat de créer un nouveau personnage qui soit destiné à devenir un héro. Nous avons passé beaucoup de temps à décider quel serait le look définitif de Sam. A un moment, Sam avait les cheveux complètement blancs, ce qui le rendait nettement plus vieux. Auparavant, Sam devait être habillé comme un civil… Cela a fini par donner quelque chose de plus sensé aux yeux du public : pour faire ce genre de mission, vous avez besoin du meilleur agent équipé avec une équipement approprié et des gadgets de la plus haute technologie. Il s’avère que Sam porte une combinaison qui s’adapte au changement de température, et qui peut aller sous l’eau. Ses lunettes apportent cette signature unique et les animations de Sam apportent aussi ce petit contact agréable qui peut faire la différence. Martin Caya, notre Lead Character Modeler a fait beaucoup de recherche pour coller le plus prêt possible à ce que nous pouvons attendre à ce type d’agent spécial dans les prochaines années.
D'un point de vue purement technique, on peut dire que Splinter Cell a fait un grand pas en avant, principalement au niveau de la gestion de la lumière. Comment avez-vous appréhendé le développement du moteur du jeu ? Quelles ont été les difficultés rencontrées lors du développement de celui-ci ?
Nous avons commencé le développement de Splinter Cell en automne 2000. Nous avons pris le temps de penser, de discuter et développer l’aspect graphique du titre. Comme dans un jeu d’infiltration, tout est basé sur les zones d’ombres et de lumières, nous avons essayer de nous concentrer sur cet aspect (mais également sur d’autres éléments comme les gadgets, les animations, etc…) et sur la gestion dynamique de la lumière. Et je dois vous avouer que l’équipe est très fière du résultat final. Pour développer le jeu, le moteur d’Unreal s’est révélé être une base parfaite pour débuter notre projet. Comme beaucoup d’autres développeurs utilisant ce moteur, nous voulions faire quelque chose de différent, en créant des effets bluffants qui contribueraient au gameplay. Par exemple, nous avons ajouter un moteur physique spécialement concue pour les éléments souples. Ceci nous a permis de reproduire fidèlement le mouvement de certains objets (draps, rideaux, etc) et d’y faire passer la lumière à travers. La technologie d’Unreal est un outil très puissant mais les éléments qui font de Splinter Cell un jeu unique proviennent de nos travaux internes. Donc la partie la plus difficile de notre travail a été d’inventer ces éléments faits-maison.
Est ce que votre moteur de jeu sera réutilisé pour d'autres jeux ? Si oui, lesquelles ?
Notre moteur a été créé spécialement pour Splinter Cell, nous n’avons pas prévu de le réutiliser pour d’autres projets. Nous allons encore utiliser le moteur d’Unreal, ceci est quasiment sûr car, comme je vous l’ai dit avant, c’est une base très solide pour développer. Peut être que nous utiliserons des parties des élements spécifiques à Splinter Cell. Mais même si on dit que ce moteur est ce qui se fait de mieux actuellement, ça ne sera plus la cas dans le futur. Donc nous n’utiliseront surement pas le moteur tel qu’il est dans le futur.
Je me suis récemment entretenu avec un grand développeur français. Celui-ci m'a affirmé que Splinter Cell ne l'avait pas du tout impressionné. Il a précisé que vous usiez beaucoup de bidouillages pour arriver à un tel résultat, et qu'en fait, votre moteur est facilement réalisable...
Parfois je me pose des questions sur ceux qui critiquent… Eh bien, regardez le monde du cinéma, tout est faux, tout n’est qu’astuce et ruse : quand vous voyez des personnes qui discutent dans une voiture, la plupart du temps, la voiture est à l’arrêt, il y a une vidéo qui est projeté derrière la voiture et 2 ou 3 techniciens qui orientent différentes sources de lumières pour créer des effets de reflets sur la carrosserie. Pour les jeux vidéo, c’est plus ou moins la même chose. Qui se soucie du moteur en lui-même ? Seul le résultat final est important ! Peut-être que cela signifie que nous sommes même plus rusés que les scientifiques… Eh bien, c’est génial !
La presse et les joueurs ont littéralement craqué pour Splinter Cell, avez-vous l'impression d'avoir réalisé là un jeu au gameplay révolutionnaire ?
Je ne sais pas… Nous voulions faire du mieux que nous pouvions. Le fait qu’il y ait beaucoup d’innovations dans le gameplay, comme la vue à la troisième personne entièrement dirigeable, ce qui est nouveau dans les jeux d’infiltration, a permis au jeu d’offrir de nouvelles sensations… Je considère plutôt Splinter Cell comme un titre poussant le gameplay des jeux d’infiltrations plus loin qu’à l’accoutumé, qu’un titre révolutionnaire.
Pourquoi avoir développer le jeu sur Xbox en premier ? Que pensez-vous du hardware Xbox ? Le développement sur Xbox a t-il été chose aisée ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Au début, quand nous avons commencé le développement de Splinter Cell en Automne 2000, nous n’avions aucune plate-forme spécifique en tête. Après quelques mois, quand nous avions une vision claire et nette de ce que nous voulions que Splinter Cell soit, nous avons commencé à tester quelqu’unes de nos applications sur la Xbox et nous avons découvert à quel point c’est une console puissante. Certains résultats étaient même mieux que ce que nous attendions, et ceci est également devenu la source de nouvelles idées dans le gameplay ou pour les graphismes. Après cela, nous avons remarqué que les autres consoles pourraient répondre à notre attente, mais la Xbox était la seule qui posséder les spécificités dont nous avions besoin pour réaliser parfaitement ce que nous avions en tête.
Y-a-t-il des différences (techniquement parlant, et au niveau du gameplay) entres les versions Xbox et PC ?
Quand nous avons commencé à développer le jeu, nous avions une idée précise de ce à quoi le jeu devait ressembler et nous voulions qu’il soit le plus proche possible de ce que nous avions en tête. Il y avait différentes manières de le faire, mais les spécificités de la Xbox étaient celles qui convenaient le mieux à nos attentes. Le système d’éclairage a été adapté au PC afin d’obtenir les meilleurs résultats possible sur des machines peu puissantes. La seule différence du gameplay viendra de l’utilisation de la souris et du clavier, ce qui changera de la manette de console.
La version PS2 semble avoir bénéficié d'un soin tout particulier. La cinématique d'introduction a même été complètement refaite. Pouvez-vous nous éclaircir sur toutes les nouveautés qui seront présentes dans cette version ?
Le public n’est pas le même sur PS2, nous avons donc travaillé avec l’intention permanente de satisfaire les attentes de ce public.
Nous avons inclus un nouveau gadget : les jumelles. Ceci peut semble être un détail mais c’est un vrai plus pour le joueur.
Nous nous sommes basés sur le Playtest (NDLR : phase de bêta-test dans lesquels des joueurs sont appelés par l’éditeur afin de donner leur avis sur le produit), et dès que cet élément a été implémenté, les joueurs se sont mis à l’utiliser très souvent dans le but d’améliorer leur maîtrise de l’infiltration. C’était étonnant comme ce gadget était utile pour vérifier les mouvements de caméras de surveillances, les patrouilles de gardes, etc, sans être repéré.
Il y aura également un niveau exclusif à la PS2 dans laquelle vous verrez Sam porter sa combinaison d’hiver dans un environnement tout neuf.
Nous avons également introduis une plus grande différence entre les deux niveau de difficultés (le mode Normal et le mode difficile). Le mode Normal possède désormais de nouvelles règles. Nous voulions à tout prix éviter une situation assez agaçante qui était présent dans la version Xbox : Quand vous déclanchez 3 alarmes, puis une dernière, la mission se termine et vous retournez au dernier checkpoint, qui est très prêt de la dernière alarme. La dernière alarme va donc à nouveau se déclancher, et plusieurs fois d’affilé. Les checkpoints vous ramèneront désormais à un maximum de 2 alarmes déclanchées dans mode Normal.
Nous voulions poussé au maximum l’immersion avec cette version PlayStation 2. Les cinématiques en sont un moyen, nous en avons donc créé de nouvelles, et même une toute nouvelle introduction, dirigé par le réalisateur français Florent-Emilio Siri (Nid de Guêpes). Nous avons aussi développer de nouveaux effets de caméra afin d’augmenter la tension lorsqu’un cadavre est trouvé. Nous nous somme amusés à développer de nouveaux environnements dans lesquels nous avons ajouté quelques surprises pour les joueurs. Je ne les dévoilerai pas mais tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elles sont surprenantes…
Pour conclure : Nous n’avons pas travaillé en pensant à la Xbox, nous voulions entrer en compétition avec la PlayStation 2 et l’attente de ses joueurs, ce qui est très différent. Il y aura aussi des différences entre les version PS2 et NGC, pour des raisons de Hardware mais aussi parce que certains éléments seront exclusifs à chaque support.
Quelles ont été les difficultés rencontrées lors du développement de la version PS2 ? La date du 27 Mars sera-t-elle respectée ?
Eh bien oui, nous avons promis qu’il n’y aurait aucun report pour la version PS2. Elle est toujours prévue pour le 27 Mars, et nous avons fermement l’intention de nous y tenir. Mais pour y parvenir, bien sûr, nous avons rencontré quelques problèmes. Vous savez, travailler sur un tel jeu est une somme d’obstacles, de réflexions, d’essais, d’échecs et de réussite. Les programmeurs ont travaillé avec comme principal objectif de faire tout ce qui était humainement possible pour tirer le maximum des capacités de notre moteur. Et ceci dans le but que nos level-designers puissent bénéficier d’une grande marge et d’une grande liberté dans leur travail. C’est une lutte de tous les instants parce que nous devions en même temps développer continuellement de nouveaux éléments et ce, sans aucun point de repère. Ce n’est pas un problème de conversion, mais le niveau de détail que nous voulions atteindre à la fin du projet fût une source de pression permanente.
Et qu'en est-il de la version GameCube ? Etant donné qu'aucune date de sortie n'a été dévoilée, certains possesseurs de GameCube commence à s'inquiéter. Pouvez-vous les rassurer ?
Oh, les joueurs GameCube ne sont pas du tout oubliés ! Ils ne doivent pas s’inquiéter. Si cette adaptation prend autant de temps, ceci est dû à l’adjonction d’éléments exclusifs à la version GameCube. Par exemple, nous avons développé une compatibilité très sympa entre la GameCube et la GameBoy Advance : les joueurs pourront avoir une vue d’ensemble du niveau dans lequel ils évoluent sur l’écran de leur GBA. Autre particularité : la GBA pourra servir d’outil permettant de pirater un ordinateur, de déclancher les mines murales, ou encore de contrôler les tourelles. Il y aura également une nouvelle arme secondaire utilisable uniquement avec la GBA : la Sticky Bomb (ou bombe gluante). Tiré du SC-20K, cette bombe pourra se coller partout, y compris les murs, les objets, mais également les ennemis. Une vue d’ensemble du niveau aidera le joueur à décider quand est le meilleur moment pour la déclencher. Cette bombe dégage une onde sonore qui mettra vos ennemis hors-service. Associé à un effet visuel original, cette arme non-mortelle s’est révélée être d’un grand recours dans les situations difficiles. Ceci a mit du temps à être implémenter, mais nous sommes déjà très fiers du résultat.
Vous voyez, nous ne laissons pas les joueurs GameCube de côté, c’est le contraire : certes, ce sera la dernière version à sortir, mais ce sera sans doute celle dont l’attente sera la plus justifiée !
Si Splinter Cell 2 il y a, quels seront les points que vous aimeriez améliorer ?
Nous n’avons pas encore décidé si nous allions faire un Splinter Cell 2, mais nous avons reçu beaucoup de critiques de joueurs qui nous ont éclairé sur les éléments que nous pourrions ajouter ou améliorer. Nous avons déjà fait quelques changements pour les version PS2 et NGC grâce à ces critiques comme pour l’usage de la caméra optique par exemple. Mais ceci n’est qu’un détail, je pense nous pousserons le jeu encore plus loin niveau réalisme : meilleurs graphismes, meilleure Intelligence Artificielle, plus de liberté dans les choix de direction, etc. Nous avons beaucoup d’idées, mais seul le futur vous le dira, il est encore trop tôt pour avancer quoi que ce soit.
Qu’aimeriez-vous dire aux visiteurs de Jeux-France ?
Si j’avais seulement une chose à dire à vos visiteurs, ce serait à propos des critiques que nous avons vu sur les forums : apprécier le jeu pour ce qu’il est, et non pour ce que vous auriez aimer qu’il soit. Ne chercher pas ce qui n’a pas été inclus dans le jeu, mais regarder son contenu. Ah, et arrêter de vous disputer à propos de « quelle est la meilleure console », c’est vraiment sans intérêt…
L'équipe de Jeux-France remercie Mathieu Ferland, pour nous avoir consacré quelques minutes de son précieux temps. Un grand merci à Mag, qui nous a bien aidé pour la traduction de l'interview.